Enfant, j’ai grandi dans un environnement religieux où le Bien et le Mal semblaient dictés d’en haut, et où les Écritures imposaient ce qu’il fallait penser, dire et faire. Les paroles que j’entendais n’étaient souvent que des versets répétés, des injonctions à suivre. Même dans ma famille, il était difficile de percevoir une voix vraiment incarnée ; les mots paraissaient lourds, retranscrits, impersonnels. Avec le temps, j’ai compris que l’important n’était pas d’« être », mais de « faire comme ». Ce mélange de désir de reconnaissance et de vigilance constante pour ne pas me tromper m’accompagnait partout.
Le temps que j’accordais, le soin apporté aux tâches, et les responsabilités parfois trop lourdes pour moi, m’apportaient un sentiment de valeur et de densité. Je pouvais me sentir plus solide, presque adulte. Mais bien souvent, la place qu’on m’attribuait ne correspondait pas à ce que je pouvais réellement habiter. L’atmosphère pesante resurgissait chaque fois que je questionnais mon entourage sur le sens d’une règle, la place des femmes, ou encore l’importance du doute et de la remise en question dans ma foi.
De mon expérience, je n’ai jamais obtenu de réponses incarnées ou nuancées. Elles ressemblaient plutôt à des récitations de versets, posées comme des vérités closes, où il n’y avait pas de place pour la réflexion, la contradiction, ou d’autres points de vue. Elles me semblaient trop simples, focalisées sur la doctrine, alors que j’avais soif de quelque chose de plus profond, de plus vivant, en résonance avec ma quête de sens.
De là est née une colère profonde, presque irrépressible. Une colère nourrie d’un élan de vie, d’un désir de penser et d’agir autrement. Mais cette force intérieure restait paralysée par la peur : peur de dire ce que je pensais, peur de faire ce que je voulais. La culpabilité fonctionnait comme un verrou. Si je m’écoutais, je risquais de me perdre aux yeux des autres. Si j’obéissais, je me perdais pour moi-même. Je restais figé, pris entre deux pôles : le besoin d’être aimé et reconnu par mes figures d’autorité, et l’intolérable souffrance de voir ma parole et mon authenticité niées. Ce conflit intérieur guidait mes pensées, mes gestes, mes interactions.
Dans ce contexte, la morale disait : « Obéis au Bien et au Mal venus d’en haut », l’éthique, devenue précieuse, m’invitait plutôt à « comprendre ce qui est bon pour ma vie ». La nuance entre ces deux approches est essentielle : sentir ce qui ouvre à la vie, ce qui nourrit l’être, ou, au contraire, ce qui enferme, assèche et fige dans un carcan de règles extérieures.
C’est cette possibilité que j’offre dans mon accompagnement thérapeutique : un espace pour revisiter ces catégories, observer comment elles interagissent avec le vivant, et discerner ce qui permet à l’être de s’ouvrir, de croître, de s’épanouir. Ici, la question n’est plus « Ai-je obéi ? », mais « Est-ce que cela me nourrit ? Et comment cela me fait-il vivre ? ».
La vérité n’est pas un ordre à exécuter. Elle se goûte, se ressent dans le corps, dans l’émotion, dans la relation. Là où la morale enferme, l’éthique libère. Et c’est dans cette ouverture que chacun peut retrouver sa liberté et grandir selon sa propre mesure, en suivant non pas ce qui est imposé, mais ce qui résonne profondément avec son être intérieur.